Maximiser l'effet placebo dans ses prises en charge éthiquement
Vous vous posez des questions sur l’effet placebo, sur comment l’utiliser pratiquement et éthiquement en tant que kiné dans vos séances ? Vous n’êtes pas seul ! C’est même un champ de recherche à part entière, y compris en France. Voyons justement ce qu’il y a d’intéressant à en tirer pour la pratique kiné de tous les jours.
Quelques mots sur l’effet placebo, ou effets contextuels
Sachez déjà que les définitions d’un traitement placebo varient grandement selon les personnes qui travaillent et communiquent dessus ! Reprenons la définition de ce phénomène donnée par l’encyclopédie collaborative Wikipédia.
On peut parler d’un « placebo » (par exemple, une petite pilule, ou l’application d’un dispositif comme des ultrasons… éteints) : « procédé thérapeutique n’ayant pas d’efficacité propre ou spécifique mais agissant sur le patient par des mécanismes psychologiques et physiologiques ».
Mais aussi de l’« effet placebo » : « résultat psycho-physiologique positif (bénéfique) constaté après l’administration d’une substance ou la réalisation d’un acte thérapeutique, indépendamment de l’efficacité intrinsèque attendue du traitement »
Dit plus simplement, et adapté à la kinésithérapie : lors d’une séance de kiné, indépendamment de la technique kiné spécifique qu’on applique, nos patient(e)s peuvent tirer un bénéfice de notre intervention.
Certains préfèrent parler « d’effets contextuels », car « placebo » est un peu connoté magique. Alors qu’on connaît de mieux en mieux les facteurs qui justement influent bénéfiquement (ou négativement) une prise en charge.
Quel est le principe en kinésithérapie ?
L’effet placebo en kinésithérapie peut être compris comme un phénomène où les patients ressentent une amélioration de leur condition, même en l’absence d’un traitement actif directement efficace contre leur maladie ou blessure.
Comment fonctionne-t-il ?
Cet effet est particulièrement influencé par plusieurs facteurs psychologiques et contextuels lors des séances de kinésithérapie :
- Attentes du patient : Les attentes jouent un rôle crucial. Si un patient s’attend à se sentir mieux après une session de kinésithérapie, cette croyance peut en effet contribuer à une réelle sensation de mieux-être, indépendamment de l’intervention physique spécifique réalisée.
- La relation thérapeutique : La qualité de l’interaction entre le patient et le kinésithérapeute est essentielle. Un kinésithérapeute qui écoute, qui est empathique et qui communique efficacement peut renforcer la confiance du patient dans le traitement, ce qui peut à son tour augmenter l’effet placebo.
- L’environnement de traitement : L’environnement dans lequel la kinésithérapie est pratiquée peut aussi influencer l’effet placebo. Un cadre propre, professionnel et rassurant peut rendre le traitement plus crédible aux yeux du patient, renforçant ainsi son efficacité perçue.
- Rituel de traitement : Les routines et rituels associés à la thérapie, tels que l’application de packs chauds ou froids, le massage ou l’utilisation d’appareils, peuvent eux-mêmes déclencher un effet placebo, même si ces actions ne sont pas directement responsables de l’amélioration clinique du patient.
Les kinés français se préoccupent de l’effet placebo ?
Et oui, cela semble être un fait : depuis les années 2010, on trouve du contenu créé par des kinés français autour de l’effet placebo et la kinésithérapie. Que ce soit dans des blogs, des articles de Kiné la revue ou Kinésithérapie scientifique, des formations continues, des podcasts, des cours à l’IFMK, des mémoires de fin d’étude, voire des publications académiques.
Quelques questions auxquelles ils et elles cherchent à répondre :
- Quelles sont nos connaissances actuelles sur l’effet placebo et nocebo ? Et nos idées reçues ?
- Quel est l’intérêt de l’effet placebo ?
- Quels sont les facteurs sur lesquels on peut le plus jouer en tant que kiné ?
- Comment les kinés utilisent l’effet placebo ? Quelle molécule choisir pour les patients liés à cette pathologie ?
- Comment expliquer l’effet placebo aux patients ?
- Peut-on aller jusqu’à mentir (ou ne pas révéler des informations importantes) pour optimiser une prise en charge ?
- Peut-on vraiment utiliser l’effet placebo sans porter préjudice aux patients ?
- Quelle est la part d’effet placebo dans une prise en charge kiné en musculo-squelettique, ou pour d’autres pathologies ?
Autant de questions passionnantes !
4 bonnes pratiques autour de l’effet placebo quand on est kiné
Concrètement, que garder de toutes ces recherches, de tous ces questionnements théoriques sur la théorie de l’effet placebo ? 10 choses très concrètes :
1. Dans les essais contrôlés randomisés réalisés dans un contexte de réadaptation, pour les patients inclus dans le groupe placebo (non traités ou recevant une thérapie physique fictive), il existe des réactions physiologiques et psychologiques bénéfiques dues à la personnalité du patient, à la relation entre le thérapeute et le patient, au type d’environnement et au lieu où la réadaptation est dispensée, à l’utilisation de dispositifs ou d’équipements compliqués et aux attentes du patient en matière d’amélioration et/ou de récupération (Iolascon 2021).
En pratique :
- essayez de proposer un environnement de prise en charge agréable ;
- prenez en considération les attentes des patients. Il vaut mieux réorienter si vous ne pouvez pas y répondre, quelles que soient vos raisons ;
- soignez la relation ;
- ne vous privez pas de matériel sophistiqué si nous en avons sous la main et que le temps le permet. À vous de voir cependant si vous êtes à l’aise avec cela moralement, si vous savez qu’en réalité, les appareils n’apportent rien de plus… Nous y reviendrons.
2. L’effet placebo peut particulièrement se manifester chez des patients atteints de douleurs chroniques. On a même quelques postes sur les mécanismes physiologiques qui se mettent en route : l’activation de circuits descendants impliquant le cortex préfrontal dorsolatéral, le cortex cingulaire antérieur rostral et le gris périaqueducal ; la modulation du traitement de la douleur par l’inhibition des cortex cingulaires moyen et postérieur, de l’insula et du thalamus ; l’inhibition de la cholécystokinine ; l’activation du système endocannabinoïde ; et la modulation de la synthèse des prostaglandines (Iolascon 2021).
En pratique : vous pouvez particulièrement prendre en considération l’effet placebo face à des personnes douloureuses chroniques.
3. Utilisez des questions ouvertes pour un plus grand bénéfice : “Dites-m’en plus sur vous” ; “Qu’attendez-vous de notre consultation ?” ; “Dites-moi comment votre maladie vous a affecté.” ; “Que pensez-vous être à l’origine de vos maux ?”. Peut-être que vous n’osez pas faire ces questions par peur que la cela prenne trop de temps… C’est une crainte légitime. Vous pouvez cependant poser dès le début d’une prise en charge que la première séance consistera seulement à faire connaissance en discutant. Sans même faire de bilan clinique. Cela peut être apprécié par certaines personnes.
En pratique : utilisez des questions ouvertes, laissez parler vos patients autant que possible.
4. Adopter intentionnellement des techniques ou dispositifs qu’on sait inefficaces (bien que non délétères) paraît injustifiable moralement. Certaines équipes de recherche établissent une hypothèse et essaient justement de définir comment informer les patients sur l’utilisation et la prescription volontaire d’un traitement placebo… sans diminuer l’effet de ce traitement placebo en énonçant qu’il est placebo.
En pratique : il vaut mieux soigner sa communication, son interaction (il y a déjà beaucoup à faire !) plutôt que d’aller volontairement proposer des choses qu’on sait inefficaces.
Quel est le contraire de l’effet placebo ?
Le contraire de l’effet placebo est l’effet nocebo. Alors que l’effet placebo décrit une amélioration des symptômes ou un bénéfice pour la santé résultant des attentes positives d’un patient envers un traitement ou une intervention, l’effet nocebo, lui, fait référence à la manifestation de symptômes négatifs ou d’effets indésirables qui surviennent en raison des attentes négatives ou de la croyance d’un patient que le traitement lui sera nuisible ou inefficace. Ces effets ne sont pas causés par le traitement lui-même, mais par la perception et l’attitude psychologique du patient envers celui-ci.
Pour en savoir plus
Le mystère du placebo continue de captiver la science, surtout en pharmacologie où une récente méta-analyse a révélé les rôles du conditionnement et des prédispositions génétiques dans son mécanisme d’action. Les médecins à Paris exploitent ces connaissances, utilisant l’administration de comprimés sans principe actif ou d’injections salines pour comparer les effets avec de nouveaux médicaments sur le marché. Cette manière de procéder met en lumière les bénéfices potentiels du placebo dans la prévention et le traitement de conditions comme la migraine, tout en intégrant l’hypothèse que la dopamine joue un rôle clé.
Quelques astuces à partager sur votre façon d’envisager l’effet placebo dans votre pratique de kiné ?