Kinésithérapeute en club de rugby : interview de Maxime Redon
Maxime Redon, masseur-kinésithérapeute au sein du club de rugby Castres Olympique, nous raconte son parcours et son quotidien dédié à l’accompagnement des joueurs du rugby. 👉 Comment se déroule la rééducation des sportifs de haut niveau ? En quoi cette pratique diffère-t-elle de la kinésithérapie en cabinet ? Quels défis et réalités rythment la vie d’un kiné en milieu sportif ? 🔎 Découvrez les coulisses passionnantes de la kinésithérapie en milieu professionnelle à travers le témoignage de Maxime.
Maxime, pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Maxime Redon, j’ai 31 ans et je suis originaire d’Avignon. Diplômé en kinésithérapie depuis 2017, après des études à Montpellier en prépa puis en école de kiné, j’ai débuté ma carrière en cabinet libéral. Pendant plusieurs années, j’ai exercé exclusivement en libéral avant de rejoindre, en 2022, le Castres Olympique en tant que kiné salarié, au sein de ce prestigieux club évoluant en Top 14.
Quelle est la différence principale entre le métier de kiné en cabinet et celui de kiné au sein d’un club de rugby ?
Quand j’étais en libéral, je pratiquais déjà de la kiné du sport, car j’avais une patientèle majoritairement sportive. Le cabinet où je travaillais était d’ailleurs assez orienté vers ce domaine. Mais dans le métier, ce qui change vraiment en club, c’est que j’ai beaucoup plus de temps à consacrer à chaque joueur. Actuellement, je réalise en moyenne 3 à 4 séances de rééducation par jour, alors qu’en cabinet, le rythme était bien plus intense avec un plus grand nombre de patients à prendre en charge. Cette différence permet de consacrer davantage de temps et d’attention à chaque joueur, ce qui n’était pas toujours possible avec les patients en cabinet.
L’autre grande différence, c’est le travail d’équipe. En club, nous sommes trois kinés à temps plein, épaulés par des médecins et des préparateurs physiques. Toutes les rééducations sont donc planifiées, réfléchies et discutées en équipe, ce qui permet d’élaborer des plans de rééducation très précis et adaptés. À l’inverse, en cabinet, on travaille souvent seul. Même si l’on partage le cabinet avec d’autres kinés, les décisions concernant un patient reposent souvent uniquement sur nous. Cela change complètement la dynamique du métier.
Comment se passe une journée type d’un kiné au sein du club de rugby ?
Nous avons un effectif de 45 joueurs, heureusement tous ne sont pas blessés ! La journée commence généralement à 7h30 avec une réunion médicale à 8h. Cette réunion réunit les médecins, le kiné référent, le responsable de la préparation physique et le coach. Chaque matin, nous faisons le point sur les joueurs nécessitant une attention particulière, qu’ils soient en rééducation ou récemment blessés.
Dès 8h, tout le monde est informé de l’état des joueurs : qui peut s’entraîner, et dans quelles conditions ? Cela permet à chaque membre du staff d’avoir une vision claire dès le début de la journée. Avant la réunion, entre 7h30 et 8h, nous réalisons un pré-bilan des joueurs qui pourraient nécessiter un examen médical pour intégrer le programme de la journée.
Les séances de rééducation commencent autour de 7h45, ce qui nous permet de nous concentrer sur les joueurs blessés avant l’arrivée des joueurs valides. Cela offre un moment privilégié pour coordonner les soins et optimiser la prise en charge en lien avec les autres membres du club.
Après la réunion, à partir de 8h, la journée classique débute. Elle inclut les entraînements et les séances de musculation, où notre rôle est d’assurer un suivi attentif et d’intervenir en soutien si besoin. Avant les entraînements, nous appliquons des straps pour protéger et stabiliser les articulations des joueurs. Les séances d’entraînement ont lieu le matin et l’après-midi. En fin de journée, vers 16h ou 17h, les joueurs reviennent pour des soins de récupération, clôturant ainsi la journée.
Êtes-vous également présent les jours de match ?
Bien sûr ! Lors des matchs, deux kinés sont présents sur le terrain. Quand la rencontre a lieu à l’extérieur, nous partons généralement la veille. Le jour du match, nous sommes sur place dès le matin pour préparer les joueurs. Avant la rencontre, notre travail consiste principalement à poser des straps et effectuer les préparations spécifiques nécessaires. Nous arrivons au stade environ 1h30 avant le coup d’envoi pour effectuer les derniers ajustements. En déplacement, nous emportons toujours un équipement complet, une sorte de mini-pharmacie, pour pouvoir répondre à toutes les situations imprévues.
Quels types de blessures traitez-vous le plus souvent en tant que kiné pour un club de rugby ?
Les blessures articulaires sont les plus fréquentes : entorses de cheville, blessures au genou, aux épaules… Ces zones sont particulièrement sollicitées dans un sport comme le rugby. On rencontre également des commotions cérébrales, bien plus courantes dans ce contexte qu’en cabinet. Ces dernières nécessitent un protocole de réintégration extrêmement strict. Pour les gérer, nous collaborons étroitement avec un neurologue, en suivant des étapes précises qui incluent un retour progressif à l’activité physique.
Pour ce qui est des commotions cérébrales, jouez-vous un rôle dans l’évaluation de la réintégration des joueur ou est-ce vraiment la partie des médecins ?
Les commotions cérébrales sont des blessures délicates, car elles touchent la tête. C’est pourquoi nous travaillons en étroite collaboration avec un neurologue. Grâce à nos partenariats, nous organisons des rendez-vous réguliers avec lui, toujours en lien avec le médecin du club, afin d’assurer un suivi complet. Dans le rugby, un protocole très précis encadre la reprise après une commotion, et nous le suivons rigoureusement. À ce jour, ce protocole est la référence, basée sur les avancées scientifiques actuelles.
Chaque fois que vous êtes face à des blessures comme la commotion cérébrale, avez-vous pour toutes les grandes blessures un protocole à suivre ou est-ce en fonction du joueur ?
Pour les blessures comme celles à la cheville ou à l’épaule, chaque kiné et chaque club peut avoir sa propre approche. Il existe des étapes clés et des points spécifiques à valider pour chaque type de blessure, mais ces étapes dépendent davantage de la pathologie que du joueur. En club, nous collaborons entre kinés pour définir un cadre commun, ce qui nous permet de valider collectivement chaque étape jusqu’à la fin de la rééducation.
Est-ce qu’en fonction de la position du joueur sur le terrain, il va être préparé différemment pour anticiper les impacts et efforts spécifiques à son poste ?
Oui, la préparation physique est adaptée à l’activité rugby et aux exigences spécifiques de chaque poste. Par exemple, un pilier se prépare en réalisant des exercices qui reproduisent les efforts qu’il fournit sur le terrain à son poste. Cependant, les contraintes diffèrent selon les positions. Certaines blessures peuvent nécessiter un temps de récupération plus long pour certains joueurs, comme les piliers, qui sollicitent davantage leurs épaules par rapport à un arrière. Bien que le protocole de rééducation reste globalement le même, la durée peut varier en fonction du poste et des exigences physiques qui y sont associées.
Utilisez-vous des technologies spécifiques pour la récupération ?
Bien sûr ! Nous disposons d’équipements de récupération tels que la pressothérapie, des bains froids et un sauna, auxquels les joueurs peuvent accéder selon leurs préférences. Nous leur proposons également des compléments alimentaires, toujours sous la supervision des préparateurs physiques. Cependant, ces pratiques ne sont pas imposées ; chaque joueur est libre de choisir ce qui lui convient le mieux. À mes yeux, la récupération est une démarche très personnelle : chaque joueur connaît ce qui fonctionne le mieux pour lui.
Avez-vous un rôle dans la gestion de l’alimentation des joueurs ?
Pas vraiment, car la gestion des compléments alimentaires et des boissons isotoniques relève principalement des préparateurs physiques. Ils adaptent ces apports en fonction des besoins spécifiques de chaque joueur et de leur programme d’entraînement. De notre côté, en tant que kinés, nous nous concentrons davantage sur la récupération physique et la rééducation en cas de blessure.
Est-il possible d’alterner le métier de kiné entre un cabinet et un club de rugby, ou est-ce incompatible ?
Oui, ce serait envisageable, car en club, mon emploi du temps est moins chargé qu’en libéral. Je travaille environ 10 heures de moins par semaine, ce qui pourrait me laisser du temps pour une activité en cabinet. Cependant, c’est un rythme très exigeant et fatigant. Les week-ends, notamment avec les déplacements parfois longs, peuvent être éprouvants. Combiner les deux est possible, mais cela dépend beaucoup de l’organisation du club et de la capacité à gérer ce rythme sur les plans physique et mental.
Suivez-vous des formations kiné pour rester à jour des avancées du métier ?
Au début de ma carrière, j’ai suivi de nombreuses formations pour combler certaines lacunes de ma formation initiale et développer mes compétences. Aujourd’hui, en club, c’est plus compliqué, car les formations ont souvent lieu le week-end, et je travaille généralement à ces moments-là. Je ne ressens pas de besoin urgent de me former, ayant déjà acquis de solides compétences auparavant. Cela dit, j’aimerais en suivre de nouveau, mais cela nécessiterait une organisation rigoureuse en fonction du calendrier des matchs.
Comment gérez-vous l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle en tant que kiné en club de rugby?
Avec mon rythme actuel en club, je trouve que j’ai plus de temps libre qu’en cabinet. N’ayant pas d’enfants, cela facilite sans doute les choses. Le principal inconvénient reste les matchs le week-end et les déplacements, qui peuvent se terminer très tard. Cependant, en semaine, j’ai du temps pour moi, ce qui me permet de faire du sport ou d’autres activités. En cabinet, je travaillais environ 45 heures par semaine, avec un rythme particulièrement soutenu. En club, même en tenant compte des déplacements, l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle me semble bien meilleur, surtout si l’on n’a pas de jeunes enfants.
Est-ce que vous avez vu une nette différence de salaire entre le libéral et le stade ou pas du tout
Mon premier salaire de kiné en club était inférieur à ce que je gagnais en libéral, mais il évolue avec l’expérience et l’ancienneté. Aujourd’hui, mon niveau de rémunération est comparable à celui que j’avais en cabinet. Les clubs fonctionnent avec des grilles salariales qui prennent en compte l’expérience et l’ancienneté. Les augmentations sont possibles, mais elles dépendent des négociations et des ambitions du club. En libéral, avec les charges à déduire, la différence n’était pas si marquée. Finalement, le salaire tend à se stabiliser au fil du temps dans les deux cas.
Auriez-vous des conseils pour les kinés qui souhaitent intégrer un club de rugby ou un club sportif pour généralement ?
Pour un jeune kiné, commencer en cabinet, idéalement avec une spécialisation dans le domaine sportif, peut être une excellente première étape. Il est également essentiel de suivre des formations en kiné du sport, car cet aspect est souvent peu approfondi dans la formation initiale. S’investir dans un club amateur ou semi-professionnel peut être très bénéfique pour acquérir de l’expérience et se constituer un réseau. Les clubs amateurs, en particulier, recherchent fréquemment des kinés pour accompagner leurs équipes.
Je conseillerais de ne pas hésiter à saisir les opportunités, même si elles ne correspondent pas exactement aux préférences de départ. Il est rare de décrocher un poste dans un club de rugby professionnel dès ses débuts. En accumulant de l’expérience, les chances d’intégrer un club de haut niveau augmentent considérablement.
Un immense merci à Maxime d’avoir partagé avec nous son parcours inspirant et son quotidien en tant que kiné dans un club de rugby ! N’hésitez pas à aller suivre le compte Instagram du Castres Olympique !
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