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Kiné et malvoyant : c'est possible !

Non vous ne rêvez pas, il est bel et bien possible de devenir kiné quand on est malvoyant ! Lilian, 30 ans, masseur-kinésithérapeute à Toulouse en est la preuve. 🐕‍🦺 Son signe distinctif ? Son labrador de 4 ans, Sorya, qui l’accompagne au quotidien. Lilian est déficient visuel depuis ses 18 ans ce qui ne l’a pas empêché de suivre son rêve : devenir kinésithérapeute ! Nous sommes allés à sa rencontre pour en savoir plus sur la pratique de la kinésithérapie en étant malvoyant.

Le parcours de Lilian en tant que kiné malvoyant

Pouvez-vous nous parler de votre parcours, des raisons qui vous ont poussé à devenir kiné en étant malvoyant ?

Bien sûr, je m’appelle Lilian, j’ai 30 ans et je suis kiné à Toulouse. Je suis atteint d’une pathologie dégénérative depuis mes 18 ans… Du jour au lendemain j’ai basculé dans un nouveau monde d’handicap où tu vois des gens qui ne voient plus du tout, des gens avec des chiens d’aveugle, avec une toute nouvelle vie et structure adaptée à la malvoyance…

J’exerce principalement à mon cabinet. Même si je suis accompagné de Sorya mon adorable chien guide, aller de patients en patients n’est pas des plus pratique pour moi. Il m’arrive tout de même de faire des exceptions de temps en temps.

Depuis mon plus jeune âge, je suis fasciné par le fonctionnement du corps humain et les mécanismes de la réadaptation. Malgré ma déficience visuelle, j’ai toujours été actif et intéressé par le mouvement et le sport. Quand j’ai découvert l’existence des écoles de kiné pour malvoyant proposant une formation de kiné malvoyant adaptée, ce fut une révélation ! L’idée de pouvoir aider les autres grâce à mes compétences, en utilisant mes autres sens comme atouts, m’a profondément motivé. J’ai donc entrepris les démarches pour intégrer une école de kiné malvoyant et me voilà quelques années plus tard…

Comment se déroule la formation de kiné malvoyant ?

La formation est exactement la même que les kinésithérapeutes qui suivent la formation « normale », elle se déroule en 4 ans et suit le référentiel national, mais avec des adaptations pédagogiques. On met l’accent sur le développement du toucher, l’ouïe et le sens kinesthésique. Concrètement, cela se traduit par :

  • 👉🏻 Des cours d’anatomie palpatoire approfondis : on apprend à localiser les structures anatomiques par le toucher, en utilisant des maquettes tactiles et en palpant sur des corps.
  • 👉🏻 Des mises en situation pratiques : on s’entraîne sur des patients réels, sous la supervision des formateurs, en développant nos compétences d’évaluation et de traitement par le toucher.
  • 👉🏻 L’utilisation d’outils spécifiques : des logiciels de lecture d’écran, des plages brailles et des logiciels de synthèse vocale nous permettent d’accéder aux supports de cours et aux outils informatiques.
  • 👉🏻 Un accompagnement individualisé : les formateurs sont très disponibles et adaptent leur pédagogie à nos besoins spécifiques. C’est un point fort des écoles de kiné pour malvoyant.

Quels défis avez-vous rencontrés lors de votre formation en tant qu’étudiant ?

Assez compliqué de répondre mais je dirais que déjà intégrer une école spécialisé n’est pas si facile puisqu’en France, il existe 4 écoles qui forment les déficients visuels au métier de masseur-kinésithérapeute. Les promotions sont au maximum de 20 étudiants mal ou non voyant, les supports pédagogiques sont en braille, en dessin en relief, enregistrement sonore et on utilise aussi des maquettes.

L’adaptation aux nouvelles technologies et l’accessibilité de certains appareils de physiothérapie peuvent être complexes. Par exemple, les écrans tactiles posent des difficultés. Mais on travaille en étroite collaboration avec les formateurs, les associations comme l’UNAKAM et les fabricants pour trouver des solutions innovantes. L’intégration dans les stages peut aussi parfois nécessiter des adaptations en amont avec les lieux d’accueil, pour une prise en charge optimale.

Quels conseils donneriez-vous à d’autres jeunes déficients visuels qui souhaiteraient se lancer dans cette voie et intégrer une école de kiné pour malvoyant ?

Je leur dirais de ne pas hésiter un seul instant ! C’est un métier passionnant et profondément humain. Il faut être motivé, persévérant, avoir confiance en ses capacités. Surtout, il ne faut pas avoir peur de demander de l’aide et des adaptations. Les écoles de kiné malvoyant et la formation de kiné malvoyant sont des tremplins formidables.

La pratique de la kinésithérapie en étant malvoyant

Comment votre déficience visuelle influence-t-elle vos pratiques quotidiennes de kiné en tant que malvoyant ?

Ma déficience visuelle a profondément influencé ma pratique, en affinant considérablement mes autres sens, et plus particulièrement le toucher, qui est devenu mon principal outil de diagnostic et de traitement. Cette acuité tactile me permet d’appréhender le corps du patient avec une finesse que je n’aurais peut-être pas développée autrement. Concrètement, cela se manifeste de plusieurs manières :

  • 🔎 Lors de la palpation : grâce à une concentration accrue et une sensibilité tactile développée, je peux percevoir des détails infimes, tels que des tensions musculaires subtiles, des adhérences tissulaires, des variations de température cutanée ou encore des changements de texture des tissus. Ces informations, souvent imperceptibles pour un œil non exercé, me fournissent des indications précieuses sur l’état des muscles, des tendons, des ligaments et des fascias, me permettant ainsi de localiser précisément les zones de restriction ou de dysfonctionnement. Je peux par exemple détecter une légère asymétrie de tension entre deux muscles, une petite nodosité dans un fascia ou une différence de température entre deux zones corporelles, autant d’indices qui orientent mon diagnostic et mon traitement.
  • 🔎 Lors des mobilisations : durant les exercices de mobilisation articulaire ou de massage thérapeutique, je me fie entièrement à mes sensations tactiles et kinesthésiques, c’est-à-dire à la perception du mouvement et de la position du corps dans l’espace. Je peux ainsi guider les mouvements avec une grande précision, ajuster la pression exercée en fonction de la réaction des tissus et adapter les techniques en temps réel. Cette approche me permet d’être très précis dans mes gestes, d’éviter les mouvements brusques ou douloureux et d’optimiser l’efficacité du traitement. Je ressens la résistance des tissus, la fluidité du mouvement articulaire, et je peux ainsi adapter la force et l’amplitude de mes manipulations.
  • 🔎 Dans la relation avec le patient : le contact physique est primordial dans ma pratique. Il ne s’agit pas seulement d’un contact technique, mais d’un véritable échange. Je prends le temps d’écouter attentivement les descriptions que les patients font de leurs douleurs et de leurs sensations. Cette écoute active, combinée à mon toucher affiné, me permet de comprendre au mieux leur vécu et d’adapter mon approche thérapeutique à leurs besoins spécifiques. Le contact physique devient alors un vecteur de communication non verbale puissant, renforçant la relation de confiance et favorisant l’efficacité du traitement. Je suis attentif à leur respiration, à leurs réactions non verbales, et je cherche à créer un espace de confiance et de dialogue.

Pensez-vous que le fait d’avoir suivi une formation kiné malvoyant dans une école spécialisé constitue un avantage distinctif ?

Indéniablement. La formation kiné malvoyant m’a appris à compenser mon manque de vision par d’autres compétences. Cela me permet d’avoir une approche plus holistique et centrée sur le patient. De plus, cela crée souvent un lien de confiance unique avec les patients, qui apprécient mon attention et ma sensibilité.

Quels outils et adaptations utilisez-vous au quotidien dans votre cabinet kiné ?

Pour exercer mon métier de kiné malvoyant au quotidien, je m’appuie sur un ensemble d’outils et d’adaptations qui me permettent de travailler en toute autonomie et efficacité. Sur le plan informatique, j’utilise des logiciels de lecture d’écran performants qui me restituent vocalement le contenu affiché, des plages brailles pour une lecture tactile des informations et des logiciels de reconnaissance vocale pour la prise de notes lors des consultations et la gestion des dossiers patients. Ces outils me permettent d’accéder aux informations, de les traiter et de les organiser de manière autonome.

L’organisation de mon environnement de travail est également primordiale. J’ai aménagé mon cabinet de manière à ce qu’il soit clair, rangé et doté de repères tactiles au sol et sur le mobilier. Ces repères me permettent de me déplacer aisément et en toute sécurité dans l’espace, optimisant ainsi mon temps et mon efficacité. Enfin, une communication ouverte et collaborative avec mes collègues est essentielle. Pour certaines tâches spécifiques qui nécessitent une vision, comme la lecture de radiographies ou l’utilisation de certains appareils, je peux compter sur leur aide et leur expertise. Cette collaboration est basée sur la confiance et le respect mutuel, et elle contribue à une prise en charge globale et de qualité des patients.

Quel message fort souhaiteriez-vous adresser aux personnes qui douteraient des capacités des kiné malvoyants ?

Je les invite à dépasser leurs préjugés et à venir expérimenter une séance. Ils constateront par eux-mêmes que notre handicap ne nous définit pas et que nous sommes avant tout des professionnels compétents, passionnés et pleinement investis dans notre métier. La formation kiné malvoyant que nous avons reçue au sein d’une ecole de kine pour malvoyant nous a préparés de manière rigoureuse et adaptée à exercer pleinement cette profession. Nous avons développé des compétences spécifiques, notamment une acuité tactile et une écoute attentive, qui sont de véritables atouts dans la relation avec le patient et dans la qualité des soins que nous prodiguons. Nous sommes des kinésithérapeutes à part entière, capables d’apporter une prise en charge efficace et humaine.

Quel est le rôle de l’UNAKAM auprès des kiné malvoyant et des écoles de kiné pour malvoyant ?

À mon sens, la mission première de l’UNAKAM (Union Nationale des masseurs-kinésithérapeutes Aveugles et Malvoyants) est de représenter et d’accompagner les kinés malvoyants dans leur parcours professionnel. Il représente un soutient tant sur les aspects financiers, juridiques que les aspects techniques, afin de nous permettre d’exercer notre métier dans les meilleures conditions possibles.

Une part importante de leurs actions consiste à veiller à l’accessibilité des formations kiné malvoyant au sein des écoles de kiné. Ils doivent s’assurer que les cursus soient adaptés aux besoins spécifiques des étudiants avec des déficients visuels. Il joue également un rôle actif dans l‘insertion professionnelle de leurs adhérents. Notamment en les mettant en relation avec des employeurs potentiels et en les conseillant dans leurs démarches.

L’UNAKAM se positionne comme un lien essentiel entre les professionnels kiné malvoyant, les institutions de formation, les instances ordinales et les pouvoirs publics. L’objectif est de défendre les intérêts de la profession et de promouvoir l’inclusion. La lutte contre les préjugés et les stéréotypes liés au handicap visuel dans le milieu professionnel est également un combat constant sur lequel l’UNAKAM doit travailler. Cela se passe au travers d’actions de sensibilisation auprès du grand public, des professionnels de santé et des employeurs, afin de valoriser les compétences et les qualités des kiné malvoyants.

👏🏻 Merci à Lilian d’avoir partagé un petit bout de son quotidien en tant que kiné malvoyant ! Si vous aussi, vous avez un parcours atypique et que vous souhaitez en parler avec nous, n’hésitez pas !

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